20/03 Marathon de Rome, le compte rendu de Marc

Et de cinq depuis le début de saison! Voici le compte rendu de notre Globe trotteur marathonien, Marc :

Ca fait décidément très longtemps que je ne me suis plus fendu d’un compte rendu de marathon… C’est que lorsqu’un marathon se passe bien, il n’y a pas grand-chose à en dire et c’est beaucoup moins intéressant pour le lecteur. Or mes derniers marathons s’étaient assez bien passés. Donc R.A.S, circulez, y’a rien à voir. Une petite photo avec la médaille de pacotille (si toutefois il y avait une médaille), un mail à Didier, emballez, c’est pesé et me voilà au panthéon des naqués marathoniens et on n’en parle plus. On passe à autre chose.

Alors, autant le dire tout de go : le marathon de dimanche dernier a été difficile. Du coup, je sens que je viens de capter votre attention.

C’était à Rome, où je m’alignais déjà pour la 8me fois. Et une fois de plus, j’allais courir avec ma fille Elena et son mari François. Ca semblait une très bonne idée, après tout : un retour à Rome, la ville de Francesca, est toujours très agréable. A fortiori en famille. Histoire de pâtes, de racines et de soleil. C’est juste qu’au moment de l’inscription j’avais complètement occulté que ces deux jeunes coachs sportifs accumulent les kilomètres au même rythme que moi les années et les kilos. Le fossé se creuse irrémédiablement.

Ce qui rend Rome si attachante et unique, c’est sa capacité à associer beauté et saleté, unir bonhomie bienveillante et vulgarité crasse, amalgamer dans une même phrase les vers de Pier Paolo Pasolini et li mortacci tua, le tout avec un égal bonheur, que ce soit sous les fresques de Michelange ou les frasques de Giorgia Meloni. Le marathon de la Ville éternelle ne sort pas de cet étrange canevas. L’organisation est parfois bancale :expo très décentrée et exigüe, règlements fluctuants, procédure d’inscription compliquée et fastidieuse, zone de départ inadaptée et j’en passe. Mais au pied du Colisée, tout passe mieux et à l’ombre des Fori imperiali chacun considère que ce chaos n’est en définitive qu’un joyeux bordel. Rien de bien grave. Bref, on pardonne tout à Rome, parce que Rome est la plus belle ville du monde et que la traverser en courant, reléguant l’espace de quelques heures la reine automobile au second plan, est un privilège délicieux qui a quelque chose d’un peu subversif.

Elena et François avaient été versés dans le box A mais avaient volontiers reculé d’un cran pour accompagner leur vieux crouton de (beau)-père.

C’est donc sous un soleil radieux que nous nous élançons à l’assaut du parcours très légèrement modifié par rapport aux éditions précédentes. Nous mettons un peu de temps trouver notre rythme, slalomant à travers la foule compacte et cherchant avant tout à éviter les bousculades. Le peloton international est très compact : plus de 18.000 participants, cette année. C’est un record pour Rome. Un premier tour du Colosseo, puis nous nous dirigeons vers le Sud.  Je sens d’emblée que ce n’est pas mon jour et que je devrai cravacher. Jusqu’à ce jour, j’avais toujours trouvé que ceux qui se plaignaient des pavés romains pleurnichaient pour pas grand-chose. Mais aujourd’hui, chacun de ces maudits sampietrini m’agresse les chevilles et martyrise ma voûte plantaire. Et il y en a partout.

Les premiers kilomètres se passent dans un relatif inconfort : je m’attache à rester dans le sillage des tourtereaux à un rythme un chouïa trop rapide pour ce que j’ai dans les jambes ce matin. Les trois ou quatre secondes au kilomètre qui font qu’une course bascule du mauvais côté…. J’essaie de ne rien laisser paraître et d’ailleurs ce n’est pas encore si grave que ça. Du reste, le premier moment de stress est provoqué par François. Alors que nous approchons du Stadio Olimpico, il annonce que son genou le fait souffrir (réminiscence du Druivenmarathon du mois dernier ?)  et s’arrête à un poste médical pour se faire soigner. Elena et moi poursuivons la route, mais très vite, elle se rappelle les engagements du mariage (pour le meilleur et pour le pire) et se demande si elle a pris la décision juste. Je la vois se renfrogner. Un peu comme une araignée se recroqueville quand elle est agressée. Ca promet pour la suite. Heureusement, le fond de commerce de l’endroit, outre la pizza, ce sont les miracles. Et alors que nous approchons de la Place St.Pierre, telle une sainte apparition, revoilà François. Pas le Pape, hein… L’autre. Nous revoilà donc à trois pour la suite.

Il fait chaud et chaque zone ombragée est bienvenue. Heureusement, les ravitaillements sont très nombreux. Elena se désintéresse totalement du chrono. Son seul soucis aujourd’hui est de nous ramener sur la ligne, François et moi. Elena et moi avons une relation fusionnelle et elle a compris depuis belle lurette que je ne suis pas au mieux, même si j’évite de me plaindre. Je dois avoir une sale gueule. A vrai dire, je ne sais pas trop ce qui se passe. Est-ce le marathon d’il y a dix jours à Ramillies ? Est-ce la chaleur ? Un manque de sommeil ? Peu importe. J’ai les jambes lourdes et mes ischios ont recommencé à me tracasser depuis le passage au semi. Chaque foulée me coûte. Alors, Elena se met en tête de me distraire :elle assure la conversation et pousse la chansonnette. Elle est aux petits soins : une éponge par-ci, une bouteille d’eau par-là. Depuis qu’il est revenu de sa deuxième pause médicale, elle envoie parfois François assurer la garde gériatrique. Il se porte alors silencieusement à mes côtés et m’observe du coin de l’oeil. Faut pas abandonner les vieux. Du coup, je m’accroche. Je leur dois bien ça. Elena pourrait filer tranquillement assurer son sub 3:30. Mais non, elle me dorlote et il faut se montrer digne.

Après un long segment qui nous a amené aux Parioli puis le long du Tibre, nous voici au centre de Rome. Pas question de courir le nez à terre. Piazza del Popolo, via del Corso, Piazza di Spagna.

A Piazza Navona, la plus belle, nous sommes au kilomètre 38 et je souffre vraiment. Heureusement, la splendeur des lieux possède des vertus analgésiques et, au pied de la somptueuse Fontaine de Neptune du Bernin, je reprends subitement vigueur. Pas très longtemps : un enfoiré tout en poils me piétine en voulant dépasser. Ni une, ni deux, je rassemble mon meilleur vocabulaire romain et l’abreuve d’injures. Elena me rappelle à l’ordre et m’enjoint de transformer mon agressivité en énergie positive. J’obtempère illico (comme toujours) et… ça marche. Un pas devant l’autre…

Je sais que Francesca est au Circo Massimo – mais il faut se le mériter, celui-là. Une vilaine petite côte, puis la voilà enfin. C’est déjà le 40me kilomètre. Bisou tout dégoulinant de sueur pour la remercier de sa fidélité, puis je tente pathétiquement d’accélérer un peu (un tout petit peu), histoire de rester malgré tout sous la barre des 4 heures. Derniers sampietrini, dernière côte autour du Colosseo puis c’est la ligne droite d’arrivée que nous franchissons à trois, main dans la main, en 3:58:27. Mais là n’est vraiment pas l’essentiel. Le marathon n°297 est validé et la perspective de courir mon 300me sur mes terres le 11 mai, à Luxembourg, devient de plus en plus vraisemblable. J’avais cru que le marathon à Ramillies il y a dix jours, couru pratiquement seul et dans l’obscurité sur le ravel aurait été le dernier sérieux obstacle mental vers cet objectif, mais Rome s’est avérée considérablement plus difficile.

Merci Elena, Francesca et François pour votre soutien indéfectible. Y’a plus qu’à.

Félicitations Marc!